J’ai perturbé le flow

L’avènement de la censure paresseuse

Parfois, le geek que je suis est possédé par une soudaine humanité qui me pousse à consulter des sites d’informations afin de me tenir informé des dernières avancées en matière de sciences et de technologies.

Pis, lorsque le système de commentaire n’est pas dissuasif, je me surprends même à déposer des messages et, comble de l’horreur, discuter d’un sujet avec mon prochain – j’entends par là, un vrai sujet, autre que « Quelle est la meilleure distribution de Linux ? ».

Bref, pris dans le tourment enivrant de la liberté d’expression, je tapotais sur mon clavier à tout va, commentant la dernière information qui m’inspirait lorsque je reçus un message du modérateur m’indiquant que je « perturbais le flow » et me sommait de regrouper mes interventions en un seul message.

J’avoue ne pas avoir compris immédiatement ce que désignait le terme « flow ». Pour moi, il s’agit d’un mot employé en psychologie positive et je devais bien avouer que je sentais intuitivement une acception un peu différente dans ce contexte.

Qu'est-ce que le «flow» ?

Je pris donc mon courage à deux mains – ou plutôt à deux doigts car malgré ma longue expérience du clavier, je n’ai jamais su utiliser plus que deux doigts – et je l’interrogeais sur le sens exact du mot « flow » qui, en plus d’être un anglicisme, pouvait se rapporter à tant de choses que le seul fait d’en énumérer le quart de la moitié m’aurait donné une céphalée épouvantable.

J’appris donc, émerveillé, que sur un forum, le flow est le flux des messages, traduisant ainsi le lien invisible mais bien naturel de l’un à l’autre et, par cela, l’idée générale qui s’en dégage.

En quoi perturbais-je le flow ?

Sur 21 messages, 9 étaient de ma main.

Oui, je plaide coupable : lorsque je suis inspiré, les questions jaillissent dans mon esprit avec une célérité qui trahirait les lois les plus élémentaires de la relativité générale. Ce n’est pas pour rien qu’on me surnomme le Lucky Luke du dark social !

Autrement dit : j’avais écrit trop de messages en proportion de ceux déposés par mes pairs.

J’ai été stupéfait. Que dis-je ? Saisi. Oui. Cet homme, ce modérateur, me demandait d’écrire moins, ou, au mieux, de tout rassembler en un seul message pour qu’il y ait, au final, moins de messages, même s’ils étaient plus gros.

Je ne comprenais pas le sens de cette remarque. Je trouvais, au contraire, que séparer les messages par thème est plus lisible que d’écrire un seul message, long, dont la seule réponse possible – et méritée – serait : TLDR.

Qu’on pût me reprocher un message sortant des limites de la loi, je pourrais encore comprendre. Mais que je publie trop de messages ! N'était-ce pas la finalité d'un forum ?

Les limitations techniques face à la loi…

À force de me triturer les méninges, j’ai fini par comprendre : mon malheureux interlocuteur, modérateur de son état, avait pour tâche de modérer. Or, plus il y a de messages et de flux fragmentés, plus il a de travail à effectuer.

La loi impose des limites bien strictes à la liberté d’expression, rendant l’intermédiaire technique responsable du contenu publié. L’existence du modérateur est garante de l’application de la loi en évitant les conséquences fâcheuses d’un point de Godwin facétieux. Sauf que, les machines étaient imparfaites encore dans leur compréhension de l’ironie, la tâche de modérateur est dévolue à un humain, simple mortel de surcroît, qui n’a qu’un temps limité à vivre sur Terre et, par cela, un temps limité pour modérer tous les messages.

… et ses conséquences

Je comprenais alors l’effet insidieux de toute cette mécanique de limites, de contrôle et les conséquences néfastes qui en découlaient : la limitation pure et simple, non pas des propos, mais du volume, quand bien même le contenu serait entièrement conforme à la loi.

Je faisais alors face à une frustration : Alors que l’Internet m’avait apporté une sérénité face à l’étendue de ses possibilité et le pouvoir illimité sur ma liberté d’expression, je me trouvais à nouveau limité par des comptables méprisants qui ne voyaient dans l’Internet qu’un moyen de plus pour s’échanger des photos (pédo)pornographiques et acheter de la drogue et/ou des armes. Après avoir pourri ma vie physique, ils tentaient, une fois de plus, de régir et de gâcher ma vie numérique.

Mais je n’étais pas résolu à laisser la situation s’envenimer sans réagir. J'allais rendre coup pour coup.

Mon propre espace de liberté

On ne peut pas imposer la censure à un Internaute averti sans essuyer des représailles. Non, on ne peut pas : j'ai donc commencé par clore mon compte sur ce forum. Puis de créer mon propre espace de liberté.

Depuis un certain temps déjà, j’avais dans l’esprit de créer mon propre cybercarnet. Et cette histoire m’a à la fois convaincu qu’il ne fallait pas abandonner mais, de plus, m’a insufflé une nouvelle force afin d’aller encore plus vite et d’offrir à mes pairs la possibilité d’échanger simplement et sans limitations.

Cette expérience portait à mon esprit conscient les limites de la méthode et les défis à relever. Il me faudrait un système de commentaire simple, mais efficace.

De cette expérience, j’avais quelques idées… Il fallait à présent les mettre en pratique.